Ce jour, Laurent Wauquiez, président du groupe parlementaire LR, a déposé une proposition de loi visant à interdire que des mineures puissent porter le voile dans l’espace public.
Cette proposition de loi participe d’une ambiance délétère à l’endroit des musulmans. Ainsi, Laurent Wauquiez prétend s’appuyer sur un rapport remis en mai dernier au ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et intitulé « Frères musulmans et islamisme politique en France ». Alors que ce rapport était partiellement traversé des obsessions identitaires de la droite extrême et de l’extrême droite, ses conclusions étaient très mesurées, ce qui n’avait pas empêché Bruno Retailleau et la bollosphère de les monter en épingle, aidés en cela par la dramatisation à laquelle Emmanuel Macron avait participé en convoquant un conseil de défense consacré audit rapport.
En outre, l’annonce de cette proposition de loi intervient quelques jours après la médiatisation d’un sondage de l’IFOP, problématique dans sa méthodologie et polémique dans sa présentation, qui montrait que la fréquence du port du voile était en progression chez les jeunes musulmanes.
Au nom de la « protection de l’enfance », de la « liberté de conscience » ou de « l’égalité entre les hommes et les femmes », Laurent Wauquiez explique ainsi qu’il s’agirait d’introduire dans la loi de 2010 interdisant la dissimulation de son visage dans l’espace public une nouvelle disposition : l’interdiction pour un parent de « contraindre ou d’autoriser sa fille mineure » à porter une « tenue destinée à dissimuler sa chevelure« .
En prétendant défendre « nos principes les plus fondamentaux », Laurent Wauquiez commence par s’asseoir sur eux de la façon la plus spectaculaire qui soit. En effet, Laurent Wauquiez propose d’interdire aux seules filles mineures de se couvrir la chevelure, garantie évidente d’inconstitutionnalité, ainsi que d’exprimer leur appartenance religieuse, nouvelle garantie d’inconstitutionnalité.
Mais il ne s’agit pas pour Laurent Wauquiez de faire passer sa proposition de loi. Pas plus que d’œuvrer à une « protection de l’enfance » pour laquelle il lui serait loisible de demander des moyens supplémentaires. Pas plus que d’éviter que des jeunes filles soient contraintes à porter le voile, les études montrant que la contrainte est très marginalement invoquée. Il s’agit pour lui de surfer sur la violence croissante du discours public à l’endroit des musulmans afin de se poser en champion d’une « union des droites » à laquelle, en trahison de l’héritage gaulliste de sa famille politique, il travaille ardemment comme le montre sa récente entrevue avec Eric Zemmour.
Cette recherche d’une union des droites dont le ciment serait le racisme et la haine de l’Etat de droit montre d’ailleurs à quel point les « principes les plus fondamentaux » dont Laurent Wauquiez se prévaut sont précisément ceux qui seraient attaqués si cette alliance de la haine venait à constituer une majorité politique. Ainsi, le RN et Reconquête ne font pas mystère de vouloir vider la Constitution des garanties qu’elle offre en matière d’égalité et de liberté, comme le montre la proposition de loi constitutionnelle déposée par le RN sur le bureau de l’Assemblée en janvier 2024. De la même manière, les artisans de cette « union des droites » ou les gros bataillons de la stigmatisation des musulmans sont souvent les ennemis d’un de nos « principes les plus fondamentaux » qu’ils ont toujours tenu en haine : la laïcité. Ils ont beau aujourd’hui s’en réclamer, leur objectif n’est pas le renforcement de la laïcité mais bien souvent le retour de la catholicité.
Notons enfin que la formulation de la proposition de loi de Laurent Wauquiez confine au ridicule. En demandant aux parents de ne pas contraindre ou de ne pas autoriser leurs filles mineures à se présenter chevelure couverte dans l’espace public, faut-il entendre cette loi comme une loi anti-bonnet ou anti-capuche ? Quid des filles qui mettent des foulards ou n’importe quel type de couvre-chef à la suite d’une couleur ratée ou du fait de cheveux mal coiffés ? Faudra-t-il distinguer les périodes de froid et les périodes de chaud ou la loi s’appliquerait-elle sans trêve hivernale ? Ou alors faudra-t-il sonder les motivations des filles qui se présentent tête couverte dans l’espace public afin de ménager des exceptions dont on attend la liste ? Pas de problème pour les garçons mais un problème pour les filles ?
Pour Dominique Sopo, président de SOS Racisme, « cette proposition de loi de Laurent Wauquiez est raciste et grotesque. Elle est une illustration du degré d’abaissement dans lequel notre débat public a chuté. En des temps normaux, une telle proposition de loi désignerait son auteur comme un bouffon et le disqualifierait. A note époque, si la bouffonnerie est visible de toutes et de tous, il est symptomatique qu’elle permette à celui qui l’incarne de participer à un cirque médiatique et parlementaire permanent dédié à la haine des musulmans et des immigrés. Mais aussi sans doute, à un cirque consistant à frapper les femmes et les jeunes, tout autant visés dans la proposition de loi de Laurent Wauquiez. »