C’est avec stupéfaction que nous apprenons que Julien Théry, professeur d’Histoire médiévale à l’Université Lyon-II, a publié sur ses réseaux sociaux une liste de 20 personnes juives (ou présumées l’être) présentées comme des « génocidaires à boycotter en toute circonstance ».
La qualité de juif ne fait pas des personnes des « génocidaires », pas plus que des soutiens à une politique génocidaire, posture que Julien Théry prétend avoir voulu dénoncer en réaction à l’émotion que ses propos ont légitimement suscitée.
Quand on est universitaire, la précision des termes et la mesure des propos s’impose, surtout dans la mise en cause personnelle d’individus. La publication de Julien Théry est d’autant plus malaisante qu’elle agrège des personnes aux positions diverses, aux statuts différents et qui ont choisi des degrés d’exposition très variables sur les évènements tragiques qui secouent la scène proche-orientale depuis le 7 octobre 2023. S’il s’agissait de dresser une liste de personnes qu’il estime être dans la justification d’un génocide en cours, pourquoi Julien Théry dresse-t-il cette liste de Juifs alors que de nombreuses personnes – par exemple à l’extrême droite – ont apporté un soutien aveugle à la sanglante politique de représailles menée par Netanyahu ? S’il s’agissait de critiquer des positions publiques, pourquoi cette violence d’un « boycott en toutes circonstances » ? Dans quel état d’esprit faut-il d’ailleurs être pour ne plus parler de boycott de produits ou d’évènements mais de boycott d’individus – de facto juifs – « en toutes circonstances » ?
Alors que notre pays connaît une ambiance trop souvent délétère ces deux dernières années, avec des logiques campistes qui amènent trop souvent à associer soutien à un camp – qu’il soit israélien ou palestinien – à la haine de l’autre camp, les personnes qui détiennent une parole publique dotée d’une certaine autorité doivent se garder de participer à ces dynamiques funestes où la surenchère haineuse serait une preuve de sincérité et de profondeur de son engagement.
Victimes de très graves exactions de la part du gouvernement Netanyahu au point que la CPI a émis des mandats d’arrêt pour crimes de guerre et crimes contre l’Humanité, que la CIJ a évoqué un « risque de génocide » et que de nombreux universitaires, intellectuels, ONG et organisations internationales évoquent un génocide, les Palestiniens doivent évidemment être soutenus. Mais le soutien aux Palestiniens, la nécessité que les crimes à leur endroit cessent totalement et l’émergence d’un Etat palestinien effectif, viable et souverain ne peuvent passer par des outrances de langage s’enferrant dans la joie mauvaise d’une chasse aux Juifs.
Le combat pour les droits des Palestiniens est un combat pour le respect des droits humains. Il ne saurait en aucun cas servir de support à des sorties aux relents antisémites.